Parmi les propos qui reviennent régulièrement chez nos dirigeants quand il
s'agit du cyberespace, figure en bonne place une mâle volonté d'y affirmer la
souveraineté française. C'est une ambition mal
définie dans laquelle se mêlent la volonté de garder à l'État français le
monopole du fichage de ses résidents, la traque fiscale des (petits) fraudeurs
et un peu de contre-propagande bien illusoire.
Moi, le cyberespace me fait toujours songer
à la mer ; et en été la mer je la vois au coin de la rue. Toutes proches,
les îles de la Manche sont « des morceaux de France tombés dans la mer et
ramassés par l'Angleterre » comme le disait Hugo exilé à Guernesey, chez
qui j'avais déjà trouvé en 2014 des petits indices ésotériques pour
comprendre Bitcoin. Car je n'oublie jamais Bitcoin, même en bord de mer.
Seulement si Jersey et Guernesey sont tombées du char de l'Etat parce qu'en
1204 un roi de France, satisfait d'avoir récupéré la Normandie, les avait tout
bonnement oubliées, les petits rochers des Minquiers ont échappé à la
souveraineté française en plein 20ème siècle.
Et pas vraiment, comme on le lit un peu partout (et même sur Wikipedia)
parce que des vieilles chartes en latin auraient convaincu la Cour de Justice
de la Haye, le 17 novembre 1953, des bons droits de la Couronne d'Angleterre.
En réalité, la France s'est montrée fort incapable d'établir ou d'assurer sa
souveraineté à 10 miles de ses côtes. Et cela non sans conséquences fâcheuses
bien au-delà de l'honneur froissé...
Une leçon de modestie (le lecteur courageux verra qu'elle s'achève
dans les toilettes) parfois désopilante, mais aussi une parabole très
instructive pour des autorités qui rêvent toujours de sillonner toutes voiles
dehors la haute mer du cyberespace au lieu de s'atteler concrètement, en actes
et non de façon verbeuse, à doter notre pays des moyens de devenir
un véritable port numérique!