Comptes Rendus de lecture

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15 avr. 2024

146 - Cocagne : plus on y dort plus on y gagne

J'avais annoncé ce billet en conclusion de celui qui traitait de la propriété et de la souveraineté, de certaines illusions politiques nées d'une soudaine prospérité, de fantasmes où la mémoire féodale offre à une classique revendication libertarienne le motif kitsch d'un fief ou d'un royaume .

Tout autre est le Pays de Cocagne, que nous croyons tous connaître et dans lequel s'emmêlent, dans une innocence un peu enfantine, paresse et gourmandise rêvées avec la semaine des quatre jeudis ou le Palais de Dame Tartine.

En nous penchant sur ce mythe d'abondance cher à nos ancêtres, je crois que nous pouvons apprendre à mettre en questions notre propre activité pour donner forme mythologique à nos formes modernes de prospérité ou d'abondance.

Il est vraiment amusant de remarquer que le Brueghel qui peignit en 1567 le pays de Cocagne qui sert d'illustration de couverture au livre dont je vais parler est le grand-père de celui qui illustra la tulipmania après la crise de 1637.

Cocagne, histoire d'un pays imaginaire de Hilário Franco Júnior, n'est pas un livre particulièrement récent. Publié au Brésil dix ans avant le white paper de Satoshi, il a été traduit du portugais au moment où je passais devant Bitcoin sans le voir. Pourquoi en traiter aujourd'hui ?

La préface du médiéviste Jacques Le Goff (1924-2014) donne quelques raisons :

  • « le thème de la Cocagne (…) est né à l’époque du grand développement de la société médiévale, du milieu du XIIe au milieu du XIIIe siècle, au moment où les réussites matérielles, sociales, politiques et culturelles aiguisèrent les appétits ».
  • « Contrairement au mythe antique de l’âge d’or, réapparu au XIIIe siècle, la Cocagne n’est pas une utopie tournée vers le passé, c’est une utopie qui se libère de cette prison des sociétés et des individus qu’est le temps sous sa forme de calendrier ».
  • « En ce siècle où l’on met de plus en plus le droit par écrit, lequel pèse toujours plus sur la société (droit romain renaissant, droit canonique en pleine expansion, droit coutumier mis par écrit), la Cocagne (...) est très certainement une unomie, un pays sans loi, mais cette caractéristique est contenue dans la notion d’utopie, c’est-à-dire un pays non seulement sans code, sans répression, mais aussi sans violence et sans désordre. Ne faut-il pas voir dans cela la libre floraison de lois naturelles ? »

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19 nov. 2023

141 - The Game

Il est sans doute peu commun de publier le compte-rendu d'un ouvrage paru en 2018 et traduit en 2019.

Cela conduit évidemment à avouer qu'on ne l'avait pas vu passer, malgré les éloges de Libé. Comme je ne suis pas le plus mal informé du canton crypto, on peut suggérer que je ne suis pas le seul, ce qui légitime ma démarche et donne quelque utilité à ma publication. Ce qui la rend plus étrange encore, c’est que le livre ne traite pas de Bitcoin. Le lecteur a beau savoir que j’ai tendance à exhiber mes autres marottes sur la Voie du Bitcoin, il peut être tenté de passer son chemin. Qu’il n’en fasse rien !

Il me semble en effet que The Game (le titre est resté en anglais dans toutes les traductions) répond plutôt bien à certaines questions auxquelles le très médiatisé ouvrage de Nastasia Hadjadji, No Crypto répondit plutôt mal 5 ans plus tard et notamment quant à la  matrice idéologique  de Bitcoin.

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28 mai 2023

140 - Sur le Software de David Golumbia

La sortie du livre No Crypto de Nastasia Hadjadji (dont j'ai rendu compte ici) a remis en selle, dans les controverses entre bitcoineurs, le livre de David Golumbia The Politics of Bitcoin : Software As Right-Wing Extremism.

M'étant d'abord contenté de rapporter les comptes-rendus expéditifs qui m'en avaient été présentés, j'ai pensé qu'à défaut de m'infliger la lecture et le compte-rendu d'un nouvel ouvrage assimilant la crypto à l'extrême-droite, je pourrais présenter ici un compte-rendu rédigé à l'époque de sa publication, soit en 2017, par un économiste qui a produit de nombreux articles sur Bitcoin.

L'analyse qu'en avait fait William Luther, Associate Professor of Economics à la Florida Atlantic University et Director, Sound Money Project à l’American Institute for Economic Research m'a paru intéressante à plus d'un titre, et devrait être méditée tant sur l'aile gauche de la bataille – où l'on pousse des cris d'orfraie bien mal inspirés – que sur l'aille droite où l'on en voit qui semblent vouloir tout faire pour donner raison à leurs détracteurs.

L'original est en ligne, on trouvera ci-dessous sa traduction.

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25 mai 2023

139 - No crypto, dit-elle.

Le livre de Nastasia Hadjadji, annoncé sur les réseaux sociaux plusieurs jours avant sa sortie, y a immédiatement suscité des réactions pas toutes courtoises de la part des crypto bros. Il est vrai que l'autrice avait commis selon moi une maladresse : diffuser un mois à l'avance, pour teaser, des assertions sommaires de type top 5 des arguments . Ceci mène presque infailliblement à ouvrir les inutiles altercations avant l'utile lecture.

Inversement les premières réactions positives, comme celle de Pablo Rauzy, qui m'a élégamment bloqué sur Twitter depuis, m'ont semblé n'avoir goûté de cet ouvrage que ses exagérations dangereusement simplificatrices. On trouvera en fin d'articles des liens vers quelques comptes-rendus du même livre.

Je remercie Nastasia Hadjadji de m'avoir, sur ma demande, communiqué son texte pour me permettre de rédiger un compte-rendu critique que je voudrais raisonnable de son livre, dont j'ai repris tels quels les titres des chapitres. Les illustrations sont de mon fait et n'engagent évidemment que moi.

Il était clair pour elle que je ne pourrais qu'avoir un oeil critique sur la plupart de ses thèses. Pour l'inciter à parcourir mon précédent billet, où je disais refuser la transformation des évangiles autrichiens en  petit livre orange  de la Bitcoinie, je lui ai rappelé ce que je reprochais à ceux-ci :  Toute réserve voire toute critique n'est pas une erreur ou une ignorance, cela peut être un choix politique ou sociétal . Elle a noté qu'il était utile de le rappeler, cela vaut donc pour tout le monde et dans les deux sens.

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7 janv. 2023

134 - Un imbécile heureux (bien sûr) quoique méfiant


Nassim Nicholas Taleb vient de délivrer dans l’Express une interview à Laetitia Strauch-Bonart, par ailleurs autrice d'un De la France remarqué et dont on aurait aimé lire les commentaires.

Ce texte est publié sous un titre tout en finesse et qui malheureusement le résume bien : « Le bitcoin est un détecteur d’imbéciles ».

Comme il me paraît délicat de réserver de telles insultes à un cercle restreint d’abonnés, je mets cela à la disposition de tous.

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29 sept. 2022

130 - Au-delà de Jean-Paul Delahaye

C'est une redoutable épreuve pour moi de rendre compte de ce volume, aimablement adressé par la maison Dunod qui a été mon propre éditeur, préfacé par Jean-Jacques Quisquater dont l'amitié m'honore et qui a également préfacé un ouvrage dont j'étais co-auteur et enfin écrit par un universitaire français qui cite deux de mes ouvrages parmi ses 26 références pour aller plus loin .

En regard, Jean-Paul Delahaye représente pour une partie des bitcoineurs (et en tout cas pour ceux que l'on décrit comme maximalistes) un effroyable prototype de Judas, ce qui lui a valu, à partir de 2018, d'être accablé d'injures par les éléments les plus toxiques de notre communauté. Je l'avais déploré et avais approuvé l'Appel pour un débat serein et constructif autour du Bitcoin lancé par deux mathématiciens de mes amis.

Jean-Paul Delahaye est venu à trois Repas du Coin (en 2015 et 2017), il a participé en mai 2017 à Bitcoin Pluribus Impar rue d'Ulm et à un meeet-up du Cercle du Coin quelques mois plus tard. Nous lui avons toujours tendu la main, et encore durant le confinement en avril 2020, l'avons invité à participer à une visioconférence avec nous (voir en bas de page).

J'ai donc lu son ouvrage avec un niveau raisonnable de bienveillance. Il m'a semblé nécessaire de le lire intégralement, sans céder à la joie mauvaise consistant à bondir sur les chapitres nourrissant la polémique  énergétique , pour comprendre autant que possible le chemin suivi et le paysage mental de l'auteur.

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29 août 2022

129 - Bitcoin, entre l'ancien et le nouveau

Bitcoin est parfois décrit (non sans raison!) comme une monnaie d'humains ne se présentant pas les uns aux autres, ne se connaissant pas entre eux et traitant comme des robots, voire comme la monnaie rêvée des machines. Ce qui n'a pas empêché la naissance et le développement d'une sacrée communauté !

En regard, le système fiduciaire se présente comme fondé sur la confiance accordée par des consommateurs protégés par la puissance souveraine (et désormais démocratique) envers des sociétés de banque contrôlées par des régulateurs intègres et compétents : un système plus humain si l'on veut. Mais sans réelle humanité, chacun le sait bien.

J'ai lu cet été un livre portant sur le haut Moyen-Âge (les mérovingiens, les carolingiens et leurs voisins ) et dont la question inaugurale est la suivante :  comment fonctionne concrètement une économie "encastrée", c'est à dire une économie dont les éléments constitutifs, ce que nous appelons le travail, la rémunération, l'échange, la consommation, sont si profondément incrustés ou imbriqués dans les relations sociales qu'ils en deviennent impossibles à individualiser ? 

Telle quelle, la question ne saurait être plus éloignée de Bitcoin et toute comparaison semble hasardeuse à établir !

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15 févr. 2021

105 - La cryptologie au coeur du numérique


Ce petit ouvrage du grand Jacques Stern est du type que l'on devrait largement offrir à bien des gens qui parlent à tort et à travers de secret et s'offusquent de la seule mention de l'anonymat de façon ignare et irresponsable.

Comment, demande Stern, un art ancestral peut-il, d'Al Kindi et Al Khwârizmî à Diffie et Hellman, devenir une science moderne ? J'avoue avoir appris grâce à lui que les lettres n, p et q utilisés en 1978 par l'article définissant le RSA étaient déjà employés en 1763 par Euler pour présenter dans la revue de l'Académie de Saint-Petersbourg le théorème d'arithmétique modulaire qui porte son nom.

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9 nov. 2020

103 - Un virus « souverain »

A ceux qui, comme moi-même, pensent que Bitcoin est fondamentalement une « monnaie souveraine » la lecture du petit livre de Donatella Di Cesare apportera, malgré tout ce qu'il contient de lueurs de fin du monde de nature à rendre chagrin ses lecteurs, quelques pistes pour stimuler la réflexion.

Je n'entends pas tordre le propos de cette philosophe italienne qui, en se penchant sur les questions politiques et éthiques à l’ère de la mondialisation, interroge des phénomènes actuels comme celui de la terreur, face cachée de la guerre civile mondiale qu'elle perçoit, ou comme la souveraineté, qu'elle examine à la lumière de Spinoza. Mais il se trouve que bien des choses qu'elle dit de ce virus qui se rit des frontières et des vieilles souverainetés construites à leur abri s'appliquent de façon trop troublante aux grandes cryptomonnaies pour que cela ne puisse pas être relevé.

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19 sept. 2020

101 - Les Gafa et le pouvoir du Pouvoir

toledano gafa odile jacob.jpg, sept. 2020Joëlle Toledano est une figure respectée du monde officiel. Elle est considérée comme une spécialiste de la réglementation des marchés, a siégé plusieurs années à l’ARCEP, a enseigné la gouvernance de la régulation à Dauphine.

C’est en même temps une personne curieuse de la nouveauté, active au board de plusieurs jeunes entreprises du monde numérique, qui a dirigé en 2018 la mission de réflexion confiée à France Stratégie sur les enjeux des blockchains et qui a participé aux échanges cordiaux de plusieurs « Repas du Coin », sans forcément partager toutes les convictions des bitcoineurs militants.

Son ouvrage est donc très bien informé, équilibré et lucide, y compris quant aux limites des solutions possibles si l’on souhaite, comme elle-même, astreindre des entreprises hors-normes aux normes réglementaires de l’État de droit et de la concurrence non faussée.

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9 mars 2020

98 - Incendiaire ?

Le coup d'Etat climatique, mar. 2020Bitcoin a été bien plus que montré du doigt pour son (incontestable sinon injustifiable) dépense énergétique, et ceci parfois jusqu'à l'absurde. On attendrait certainement en vain les excuses de Newsweek, pour sa prophétie de fin 2017, largement médiatisée, selon laquelle Bitcoin consommerait en 2020 toute l'énergie produite dans le monde (note 1).

On a même vu alors des représentants de la Banque de France brandir cet argument écologique avec une touchante émotion. C'est largement assez pour qu'il soit légitime de regarder ici le problème d'un peu plus haut.

C'est ce à quoi invite un philosophe déjà largement cité sur mon blog (notes 2 et 3), Mark Alizart, avec son nouveau petit livre, Le coup d'état climatique

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8 oct. 2019

95 - De la Start-up et de la Nation

Overdose bullshitL'ouvrage d'Arthur de Grave, qui se présente lui-même comme propagandiste, est évidemment ce qu'on appelait jadis un brûlot. Reprenant sur un ton toujours provocateur l'une des ambitions proclamées du régime actuel, pour en faire un bobard creux destiné à envelopper tout autre chose (parce que c'est notre projet) sa lecture divertira la frange libre penseuse de mes lecteurs, et agacera ceux qui espèrent quelque changement d'un pouvoir politique ayant su adapter certains codes jeunes, ou simplement rajeunis. Or qui bene amat, je pense que se faire étriller peut avoir des vertus.

De cet ouvrage de moins de 100 pages au format poche, je ne vais évidemment pas faire un résumé. Je souhaite simplement ici pointer quelques idées fortes, qui évidemment ne seront pas sans rapport avec « la technologie blockchain » même si celle-ci, qui génère elle-même une overdose de bullshit, n'entre pas directement dans la cible du snipper. J'assume donc ici une lecture biaisée.

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22 avr. 2019

88 - Remède contre l’hystérie numérique

remede contre l'hystérie numériqueVoici un livre où le mot « bitcoin » est inconnu, et où le mot « blockchain » n’apparaît qu’une fois, explicité en bas de page de façon plutôt expéditive. Je pense quand même qu’il a de nombreux développements de nature à nous intéresser. Les deux auteurs, que je ne connais pas, ont de solides références, et une expérience commune d’enseignement à Sciences Po qui leur permet de maintenir un précieux contact avec les rêves (et les illusions) des plus jeunes. Au risque d’assumer, parfois, le mauvais rôle de l’aîné sceptique et ronchon, ils passent un utile décapant sur l’épaisse couche de lieux communs qui recouvre presque tout ce qui se dit et s’écrit en matière de « révolution numérique ». Avec quelques considérations que les plus prudents prendront la soin de méditer.

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1 avr. 2019

87 - L'étalon Bitcoin

Il est bien difficile de publier un compte-rendu de lecture d’un ouvrage qui a, lors de sa publication en 2018, reçu de tels éloges de certains de nos amis*, tout heureux d'avoir enfin un économiste pour clamer que Bitcoin était de la vraie monnaie et même l'étalon futur des vraies monnaies. C'est plus difficile encore d’exprimer des réserves quand l’éditeur de la traduction française vous en a gentiment adressé un exemplaire pour revue.

Ammous édition françaiseL’excellente préface du délicieux Nassim Taleb, avec son ironie de dandy sur les experts, m’encourage cependant à me laisser aller, ni plus ni moins autorisé que tout un chacun. Au passage, saluons sa belle définition de Bitcoin comme « police d’assurance contre un futur orwellien ».

« L’Histoire » nous dit dès son prologue S. Ammous « quand elle est examinée attentivement, peut prédire l’avenir ». Voilà le premier caillou sur lequel je bute. Éclairer le présent, projeter même une lumière sur le futur, suggérer des schémas, pressentir des risques… oui. Prédire l’avenir, aucun historien ne dira cela. En outre S. Ammous n’est pas historien, il le confesse lui-même juste après : il est économiste ayant suivi une formation d’ingénieur. Il va pourtant livrer en ouverture 70 pages d’analyse historique qu’il nous faut tenter de juger sans trop d’a priori.

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16 août 2018

81 - Le Rapport de l'Office Parlementaire

L'illustration de ce compte-rendu (il en fallait bien une pour détendre un peu le lecteur courageux !) est composée de quelques bustes de députés caricaturés jadis par Honoré Daumier. Les honorables parlementaires d'aujourd'hui ne m'en voudront pas : ces bustes ayant été acquis par l'Assemblée, ils doivent eux-mêmes trouver cela amusant. Et l'Assemblée à qui j'ai emprunté les clichés ne m'en voudra pas non plus...

le rapport de l'Office Parlementaire d'Evaluation des choix scientifiquesLe rapport intitulé Comprendre les Blockchains co-signé par trois rapporteurs (les députés Valéria Faure-Muntian et Claude de Ganay, et le sénateur Ronan Le Gleut) mérite un examen attentif. L'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques est un organe d’information commun à l’Assemblée nationale et au Sénat, composé paritairement de 18 députés et 18 sénateurs et qui a pour mission d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique. Il est présidé par M. Gérard Longuet, qui s'était heureusement illustré lors d'une audition au Sénat des représentants de la Banque de France (séquence culte) et peut être considéré comme raisonnablement bienveillant. Son intervention en conclusion (page 187) contient une pépite : supprimer le tiers de confiance lui apparait comme « une idée relativement séduisante, de nature à remettre en cause les organisations administratives ou privées tout en apportant une réponse convaincante ». Diable !

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13 août 2018

80 - Vers de nouvelles chaînes de valeur

(Tant mon compte-rendu que mes illustrations n'engagent que moi, évidemment !)

Ouvrage Blockchain AccuracyVoici un ouvrage curieux, un peu inattendu. Un petit pavé de près de 300 pages, publié non par une maison d’édition mais par le cabinet de conseil financier Accuracy et principalement rédigé par trois consultants co-fondateurs de l’initiative Blockchain dans ce cabinet attaché à la « mixité des savoirs » : Martin Della Chiesa (IEP Strasbourg qui a commencé sa carrière comme moi-même au sein de l’inspection générale d’une banque) François Hiault (ISAE Supaéro) et Clément Tequi (ESCP). L’économiste libéral Nicolas Bouzou et le philosophe (ENS-Lyon) Thibaut Gress ont aussi phosphoré. Ainsi bien des sujets sont couverts, et l'ampleur du plan est impressionnante.

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12 juil. 2018

79 - Rapport Landau, la tentation du Mur

théorie du port numériqueAprès le rapport de Mme Toledano pour France Stratégie, puis celui de l’Office d’Evaluation Parlementaire, et en attendant les autres travaux parlementaires en cours, celui de la Commission des Finances du Sénat et celui de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale dont le rapporteur est Pierre Person, le rapport commandé en janvier par Bruno Lemaire vient allonger la liste des textes où ceux qui veulent faire avancer les choses doivent scruter de (tout) petits signes encourageants.

Le « Rapport Landau » vise à répondre aux questions posées par Bruno Lemaire en janvier. Ses rédacteurs ont dû s’adapter à partir de mars lorsque le même ministre a énoncé l’ambition de faire de la France la championne des ICO, mais aussi, on peut le supposer, en voyant la tournure plus ouverte que prenaient les auditions devant les missions parlementaires.

Dans ce cadre, ce texte a des mérites, limités mais non négligeables. Tout en sacrifiant à «la technologie blockchain… dont les crypto-monnaies ne sont qu’une des applications possibles», il cible bien l’usage monétaire de la chose, sans trop s’embourber comme le font certaines institutions dans un fatiguant déni ou sans trop contourner cet usage. Certains « blockchain enthousiastes » le lui ont d’ailleurs déjà reproché !

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23 juin 2018

78 - Le rapport de France Stratégie

A l’heure où plusieurs institutions n’ont pas encore lâché prise, que ce soit la BRI qui vient de publier tout un chapitre à charge contre les cryptomonnaies ou la Banque de France qui a multiplié durant tout le printemps des imprécations assez creuses, le rapport intitulé Les enjeux des Blockchains et publié par France Stratégie ouvre peut-être la saison des textes plus équilibrés et des propositions, même timides, qui pourraient engager la France dans autre chose qu'une impasse. Les mêmes experts, en gros, ayant ensuite « planché » devant les missions parlementaires ou l'équipe de Jean-Pierre Landau, on peut du moins l'espérer.

Publié sous la signature de la Professeur Joëlle Toledano (qui n’est pourtant pas à titre personnel une bitcoineuse fanatique !) avec le concours de plusieurs personnes, ce document mérite d’être d’abord salué pour son équilibre, quelles que soient les critiques que nous pouvons lui adresser à la marge.

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25 nov. 2017

71- Un texte original

S'il faut reconnaitre des mérites à la note intitulée Les implications macroéconomiques du Bitcoin et rédigée par M. Paul Mortimer-Lee, chef économiste pour le marché américain chez BNP Paribas Securities, on commencera par se réjouir de lire enfin un texte issu de l'intérieur du système, non de ses retraités, fournisseurs, obligés et stipendiés, et dont l'argumentation est conduite avec raison, sans tulipes ni ponzi. On y trouvera quelques phrases au contraire bien réjouissantes !

Mortimer Lee

Le second succès à souligner est d'avoir, pour un texte de deux pages, fait déjà tellement tourner le moulin à paroles chez des dizaines de journalistes dont rien n'indique qu'ils aient eu accès au document original et des centaines de commentateurs qui auraient souhaité une lecture directe et non celle de l'article du Telegraph et des innombrables copier-coller de celui-ci dans la presse généraliste comme spécialisée.

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27 juin 2017

63- L'Alternative

L'ouvrage de Kariappa Bheemaiah qui n'est pas encore traduit en français n'est donc pas celui qui a fait le plus de bruit chez nous. Il est cependant le plus solide et sans être d'accord sur tout je suis admiratif de cette alternative différente de toutes les métaphores pétaradantes dont on a orné la Blockchain.

AlternativeDès les premières pages, l'auteur annonce un plan ambitieux :

  • un retour sur les notions fondamentales touchant à la monnaie et à la dette ;
  • le rôle que peuvent jouer les blockchains dans un monde financier fragmenté, et notamment via les fintech ;
  • les conséquences sociétales, et notamment l'apparition de nouveaux paradigmes dans le capitalisme, et les conséquences sur le système monétaire, en y comprenant d'abord les banque centrales ;
  • les perspectives offertes, notamment de nouveaux instruments de politique monétaire et de politique tout court.

Mon compte-rendu est assez long, mais l'ouvrage le mérite. Les illustrations, dues à des associations d'idées parfois intimes, n'engagent évidemment que moi.

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13 mai 2017

62 - Céleste Monnaie ?

Parler à la fois d'informatique et de philosophie est une chose. L'informatique, nous dit le philosophe Mark Alizart, n'est jamais en effet, que l'aboutissement de tout le travail de formalisation de la pensée que la philosophie a entrepris dès l'aube de son histoire, de L'Oragnon d'Aristote à la Logique de Hegel.

Mêler le Cloud et le Ciel (celui des Idées en l'occurrence, ou celui de l'Esprit) en est une autre, qui n'est pas pour me déplaire. J'avais jadis trouvé dans la maison de Victor Hugo des mots latins sur lesquels je reviendrai (in libro / ad cælum) et qui me paraissaient établir un lien.

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22 mars 2017

60 - Instantanés et métaphores d'un rêve décentralisé

SnapshotJe dois commencer par renouveler des remerciements à celui qui m’a offert l’un des 200 exemplaires numérotés de Snapshot, unsurpassable blockchain solution édité par notre ami Ludom. Je suis un rien vieille France, je l’avoue volontiers, et donc c’est le genre de chose qui me touche !

Ce recueil de témoignages et de récits est un peu à l’image de ce que montre sa couverture : décentralisé, parfois redondant dans les cheminements qu’il offre aux lecteurs. Mais quel que soit l’ordre dans lequel on l’abordera, il offre d'intéressantes leçons.

Je reviendrai en fin de texte sur le choix d'illustration, qui n'engage strictement que moi.

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11 mars 2017

59- La Blockchain d'un monde qui change

couvertureLa publication de La Révolution Blockchain de Philippe Rodriguez donne, par son sujet, par sa date de publication et malgré son titre un signal intéressant.

Certes le titre (on reviendra sur le sous-titre) est un peu galvaudé depuis que Don Tapscott a utilisé l'expression : le caractère révolutionnaire de la blockchain a eu tendance à se fondre dans la fureur de mots qui emporte aussi les fintechs, les bigdata et tant d'autres choses, parce qu'ici comme ailleurs s'applique la trop fameuse sentence de Tancrède Falconeri dans le Guépard, réplique culte que cite d'ailleurs Rodriguez.

Mais le brin d'audace est à l'intérieur du livre, qui traite d'abord du Bitcoin, en cette année 2017 où il y a fort à parier que bien des gens vont redécouvrir le bitcoin que des gourous désinvoltes leur avaient jadis conseillé d'oublier.

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12 févr. 2017

56 - Bitcoin et Big Brother

bigbrotherProfesseur à l'Université libre de Bruxelles, Hugues Bersini vient de publier un petit ouvrage intitulé Big Brother is driving you qu'il présente comme de brèves réflexions d'un informaticien obtus sur la société à venir.

Alors que la réflexion sur la blockchain s'articule de plus en plus sur son rôle d'administrateur de confiance, et sur les avantages ou inconvénients d'une confiance de nature algorithmique, il est intéressant d'écouter ce qu'ont à dire les meilleurs connaisseurs des algorithmes.

Après celui de Cardon (déjà cité dans mon billet sur Fouché) le livre de Bersini est donc une lecture à recommander.

Ce scientifique fécond (plus de 300 articles), spécialiste reconnu de l'IA et des algos, de la logique floue et du comportement de systèmes complexes, pionnier dans l'exploitation des métaphores biologiques etc... nous dit que seule l'informatique sera capable d'apporter les solutions qui s'imposent avec la complexification du monde et la multiplication des menaces écologiques, économiques et sociétales. La virtualisation de toute information, la multiplication des modes de connexion, la transformation de tout objet en ordinateur rendent, écrit-il, possible la prise en charge totalement automatisée des biens publics. Bientôt des transports en commun impossibles à frauder optimiseront le trafic pour un coût écologique minimum, tandis que des senseurs intelligents s'assureront d'une consommation énergétique sobre, que les contrats financiers et autres ne souffriront plus d'aucune défection et que les algorithmes prédictifs préviendront toute activité criminelle. big eye Voilà pour le constat, assorti d'une prédiction : nous y consentirons.

''Face à l'urgence, nous accepterons de confier notre société aux mains d'un big brother "bienveillant". L'interdit le deviendra vraiment et la privation remplacera la punition. Mais le souhaitons-nous vraiment ?''

A cette question, je ne pense pas qu'il réponde vraiment, et d'une certaine façon la question est plutôt de savoir si nous avons vraiment intérêt à pousser jusqu'aux dernières conséquences cette logique.

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