de la politique et de la gouvernance

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10 oct. 2021

114 - Avec Snowden

Je ne publie ici qu'une traduction, celle d'un article publié le 9 octobre sur son blog par Edward Snowden sous le titre Votre argent ET votre vie, Les monnaies numériques de banques centrales vont rançonner notre avenir.

Nul besoin de souligner qu'il est un homme dont la parole compte.

Compte tenu de la longueur de son texte, bien peu de gens feront réellement l'effort de le lire en anglais même si chacun jurera le contraire, comme on jure n'avoir aucun problème à tenir une réunion de travail en anglais, en plein Paris, dès qu'on a cru devoir inviter un néo-irlandais, et avant que chacun ne bredouille lamentablement.

D'autre part comme la Banque de France ne communique pratiquement plus qu'en anglais, autant en prendre là-aussi le contrepied !

C'est tout ce que j'ai à dire ; la suite (que l'on peut aussi entendre en lecture sur Grand Angle Crypto) est la traduction de son article, avec ses illustrations, sans commentaires de ma part. J'en aurais bien faits quelques-uns, mais marginaux, notamment sur des points de chronologie. D'autre part certains liens sont restés pointés vers des sources en langue anglaise. Tout cela parce que mes journées n'ont que 24 heures.

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17 avr. 2021

109 - Têtes de turcs

Ce billet « sang neuf » pourrait bien ne me faire que peu d'amis. Mais j'y songeais depuis trop longtemps. Et autant prévenir, les têtes de turcs les plus remarquables ne sont pas sur le Bosphore, même si les autorités de ce pays viennent d'interdire Bitcoin pour les paiements, ce qui leur permettra ensuite de dire que Bitcoin ne sert que pour des transactions illicites...

On commencera par un peu d'histoire, pour amuser la galerie, et on finira par un bain de sang quand je daignerai en venir au sujet, dont le sort des crypto-entreprises qui ont eu le tort de penser un temps que l'on pouvait faire quelque chose dans un pays où la fiscalité restait élevée mais justifiée par l'excellence de la « régulation » offerte par un État puissant et éclairé.

Une histoire triste, en fait.

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9 juil. 2019

91 - La confiance, disent-ils

Le jugement de Gdansk (détail) de MemlingLes conditions du millésime 2019 du baccalauréat (pesée des candidats, émission du diplôme) ne peuvent laisser indifférents ceux qui, dans le domaine de la valeur, soutiennent que cette valeur doit avoir quelque chose d'intrinsèque, et non procéder entièrement de ce que l'on peut nommer au choix loi (νόμος, nomos) ou consensus social ou encore pacte républicain, mais qui finit toujours par ne s'ajuster qu'au plan com' du responsable politique du jour quand ce n'est pas à son plan de fuite.

Ce qui a été présenté comme une mesure technique prise sous la contrainte suscitée par « une infime minorité de preneurs d'otages » risque d'en dire long tant sur la valeur que nous accordons à la valeur, que sur celle que nous sommes encore censés accorder à la légalité.

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25 déc. 2018

85 - Pontifex : du caractère sacré des infrastructures

Le successeur de saint Pierre porte toujours un titre qui aurait sans doute fort étonné l'apôtre : Souverain Pontife. Ce titre très ancien, datant de la république romaine, a été repris, adapté et conservé à travers les siècles. Il a fait son entrée dans la modernité, puisque le compte twitter officiel du pape, créé le 12 décembre 2012 par Benoit XVI et qui compte plus de 40 millions de suiveurs dans différentes langues, est @pontifex.

Le mot est chargé d'une très forte symbolique dont une récente et dramatique actualité me laisse penser qu'elle est riche d'enseignements sérieux et qu'elle nous concerne aujourd'hui.

Bulle d'Innocent IV pape de 1243 à 1254Pontifex apparait sur des monuments, des médailles et des écrits, diversement abrégé, et parfois évoqué d'une seule lettre. C'est le cas sur les sceaux de plomb dont les papes se servaient pour sceller leurs « bulles ». Leur modèle n'a pas évolué dans l'histoire, avec le nom du souverain suivi de PP pour Pontifex et Pastor et de son numéro.

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2 déc. 2018

84 - Sédition ?

Le mot de « révolution » est tellement usé que l'on est bien obligé d'en trouver un autre quand l'événement surgit et surprend. Il a servi pour la mode, pour le management, pour le marketing et généralement de façon tellement futile que celui qui réfléchit au sens des mots ne peut s'empêcher de noter qu'au terme normal d'une révolution on se retrouve exactement où l'on était au début. Voire où l'on était autrefois, les réactionnaires de tout poil ne manquant jamais de se dire révolutionnaires.

la révolution JP Goude en 1989

Monsieur Castaner vient de ressortir, après les termes d'agitateurs, factieux et j'en passe celui de « séditieux ». Un mot présent dans le Code Pénal de 1810 mais absent de l'actuel. On lira sur le site de LCI un analyse de ce terme, plus étranger que français.

Notons que ce même mot fut utilisé par le général De Gaulle contre les putschistes d'Alger (en 1962) après l'avoir été 4 ans plus tôt par François Mitterrand, pour décrire les conditions un peu particulières du retour aux affaires du même général. Utilisé au soir d'une journée d'émeute parisienne comme notre histoire en a connu des centaines, avec des voitures brûlées (que l'on va s'appliquer à mettre en relief, comme on s'attelle à minimiser celles, bien plus nombreuses, de tous les 1er janvier depuis des années) et quelques tags (effacés dès le lendemain matin en commençant curieusement par les « Macron démission »), le terme ne montre pas seulement une crispation compréhensible du pouvoir, mais aussi une forme d'incompréhension crispante de celui-ci.

un gilet jaune en 2018

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8 févr. 2018

75 - La confiance par décret ?

On parle maintenant de Bitcoin, au sommet même de l'État, comme d'un facteur de risque systémique (face à des trillions de monnaies légales et des ploutillons d'actifs régulés ou non, mais gérés par des gens du système). Façon de dire que cette expérience menacerait le système financier mondial. Mais l'essentiel de la littérature sur ce fâcheux bitcoin émane encore, du moins pour celle qui est prise en compte par les régulateurs, les politiques et les journalistes, de ce système financier lui-même. Et ceci ne choque personne. C'est comme cela : quand une banque s'estime victime d'un de ses employés, le juge choisit cette même banque comme experte, et il faut des années pour que cela pose des cas de conscience à certains.

La fonction de régulation appartient en théorie à la puissance publique. Ce qui la fonde en droit, c'est à la fois la sécurité de l'État, celle de la population, et la nécessaire confiance de celle-ci dans celui-là. On régule donc largement (et sous des vocables divers : régulation, supervision, contrôle, normalisation, homologation...) les produits financiers comme les médicaments, les communications électroniques, les jeux en ligne ou les voitures à moteurs. Mais toujours avec les mêmes mots: confiance et sécurité.

Or si la sécurité est un fait que l'on peut cerner par des mesures objectives (quand elles ne sont pas manipulées) la confiance est un sentiment humain. A priori on ne peut pas la décréter, pas davantage que l'amour ou le respect, par exemple.

le vaccin monétaireDans une double page publiée en janvier par le Monde diplomatique, la journaliste Leïla Shahshahani a abordé à travers les vaccinations obligatoires, le débat confisqué sur un sujet qui me parait nous concerner de façon patente.

Je m'empresse de dire que je n'ai pas trop d'idées sur la question, parce qu'en soi les histoires médicales m'ennuient. Mes enfants ont été vaccinés.

Ce qui m'intéresse ici, ce sont la confiscation d'un débat, l'instauration d'une prétendue « confiance » par la coercition, les erreurs et les dérives qu'un tel système rend fatales.

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8 nov. 2017

68 - La Banque de France et le Moulin du Louvre

La publication il y a quelques semaines, sous la plume de M. Christian Pfister, haut responsable de la Banque de France et professeur associé à l'IEP, d'un document de travail consacré aux monnaies numériques est en soi un événement important. Si son titre, Much ado about nothing, est adroitement inspiré de William Shakespeare, le lecteur français pourra regretter qu'une institution fondée par Napoléon communique ses pensées en langue anglaise. Qu'on me pardonne ce patriotisme.

Cependant, après un coup de chapeau initial au fonctionnement de la chose - qu'on l'appelle DL (citée 6 fois) ou Blockchain (8 occurrences du mot) - c'est bien Bitcoin (16 apparitions) qui est le sujet de la note, et surtout, malgré de prudentes protestations, l'hypothèse de l'émission d'un jeton numérique fiduciaire par une institution publique. Je ne m'en étonnerai certainement pas, ayant déjà noté il y a bien des mois que « la Banque a les jetons ».

La Galerie dorée revisitée

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21 août 2015

28 - La boite

Les techniciens n'aiment pas les politiciens. La grande figure mythologique de la techno ( τέχνη ) c'est Prométhée, dont le nom signifie le Prévoyant, celui qui réfléchit avant, celui qui regarde devant. Son geste - voler le feu aux dieux pour le donner aux hommes - a inspiré une vraie geste, une abondante littérature romanesque (jusqu'à Frankenstein !) et des réflexions profondes à bien des philosophes dont Hobbes et Marx.

Prométhée

Selon le poète Eschyle, il apprit aussi aux humains la notion de temps, les mathématiques, l'écriture, l'agriculture, le dressage des chevaux, la navigation maritime, la médecine, l'art divinatoire et l'art métallurgique.... rien que cela! Dans bien des cultures, au demeurant, c'est un personnage divin qui apprend aux hommes ces choses utiles. En Égypte, le dieu Thot offre ainsi les hiéroglyphes. Sans pour cela se retrouver enchaîné à un rocher comme le malheureux Titan puni par les dieux.

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10 août 2015

27 - Invisibles ?

Ce billet a été republié en langue chinoise sur le "blog de Sosthène" de l'érudit traducteur Alexis Gaubert, que je remercie vivement, et sur le site chinois 8BTC.

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S'il y a bien quelque chose de comique dans les arguties opposées à la potentialité du bitcoin, ce sont les postures régaliennes. Surtout dans notre espace européen soigneusement vidé de toute souveraineté et dont les vrais dirigeants se sont faits invisibles.

L'histoire avait pourtant si bien combiné chez nous le gouvernement du peuple athénien, le droit romain et la prétention d'Alexandre à une filiation divine : "le Sénat et le Peuple de Rome"s'incarnèrent durablement en une seule figure, impériale ! L'aureus d'Auguste montrait le père de la patrie avec, au revers, la figure du sphinx, celui dont l'énigme n'a qu'une réponse : l'Homme.

Auguste et le sphinx

Et ainsi de suite jusqu'à Napoléon qui fut l'Homme d'une République dont la mention perdura au revers des pièces durant de nombreuses années de son règne.

Napoléon République

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5 juin 2015

21 - Respecter les lois sans sacrifier aux idoles

La condamnation de Ross Ulbricht et de sa Route de la Soie clôt peut-être une affaire qui, claire sur le fond (les trafiquants de drogue sont condamnés dans une très large majorité de pays) a été quelque peu embrouillée conceptuellement de part et d’autre, les arguments ayant eu tendance à monter aux extrêmes, même du côté des défenseurs de la loi et de l’ordre.

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8 mai 2015

18 - Gouverner par la dette, résister par l'échange?

J’ai mis à profit la fête du Travail et son agréable pont pour lire un livre essentiel dont l’intérêt excède très largement les points que je relève ici…

gouverner par la dette

Les livres du sociologue et philosophe italien Maurizio Lazzarato ne bénéficient pas de la couverture de presse tapageuse réservée aux ouvrages qui instrumentalisent la dette pour promouvoir les lendemains qui déchantent. La fabrique de l’homme endetté avançait en 2011 l’idée que, loin d’être la menace mortelle dénoncée partout contre l’économie capitaliste et les Etats libéraux qui vont avec, la dette tant publique que privée se situait au cœur même du projet politique des « libéraux ».

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