& moi, & moi, & moi
Adolescent, je me passionnais pour les écritures secrètes. Je me souviens
encore d’une note tout à fait imméritée obtenue un jour de concours, en version
grecque, non que j’aie été particulièrement habile dans cette langue subtile,
mais parce que je connaissais parfaitement le mécanisme de la scytale spartiate
que mes camarades découvraient en VO, ou plus exactement dans la ''Vie de Lysandre'' de Plutarque, au
chapitre XIX,8-12. Pour ceux que la cryptographie dans
l'Antiquité intéresserait, je recommande un travail déjà ancien mais en
ligne de Mme Brigitte Collard
Avoir ensuite
appris les hiéroglyphes égyptiens, cela était-il la meilleure voie pour
participer au développement des potentialités qu’offre à notre siècle
Bitcoin ?
Pas certain, même si la Maison du Bitcoin s’est installée rue du Caire, même si certains textes égyptiens que nous ne savons toujours pas bien déchiffrer fonctionnent avec des rébus qui s’assimileraient à une redoutable clé privée, même si à Bletchley Park, où officiait Alan Turing, on avait jugé bon de réunir, avec force mathématiciens, des joueurs d’échecs, des cruciverbistes et des égyptologues.
Ce n'était d'ailleurs pas la première rencontre entre l'archéologie et la cryptologie: Friedrich Kasiski, qui cassa le code de Vigenère à la fin du 19ème siècle était aussi archéologue !
Enfin je dois remercier ici le professeur Quisquater (qui suit ce blog et ne
manque jamais de m'envoyer des commentaires malicieux) que Ralph Merkle, sans
lequel Bitcoin n'existerait sans doute point avait, en 1989, baptisé Khuphu et Khafre deux algorithmes de chiffrements
par blocs!
Un hasard de la vie m’a permis de commencer ma vie professionnelle dans la
Banque, puis, durant un quart de siècle d’exercer dans ce qui est un bon moyen
de découvrir de nombreux métiers : l’investissement en capital, d’abord
dans un groupe classique, puis en ayant fondé une société d’investissement pour
le compte d’une coopérative solidaire et écolo qui voulait se transformer en
banque. Dans ce dernier monde, je découvris la plus grande curiosité
intellectuelle possible quant à la nature de l’argent, la plus paresseuse
ignorance quant aux ressources qu’offrent les moyens de paiement d’aujourd’hui.
C’est tout le problème des monnaies locales complémentaires, tant qu’elles en
restent aux billets de Monopoly. Mais c’est ainsi que j’ai découvert
Bitcoin.
De par ma formation d’historien, je regarde le monde différemment d’un
technicien : sur le temps long, en cherchant - derrière les produits qui
apparaissent – ce que les nouveaux services offerts induiront comme mutations
de société mais en gardant à l’esprit les permanences de la nature humaine. Le
trésor des siècles offre aussi l’occasion de bien des associations d’idées. Et
en fait de « trésors », je suis aussi collectionneur, et tout ce qui
touche au paiement, réel ou symbolique, entre dans la liste de mes
intérêts.
Si bien des amis m’ont confessé avoir eu (jeunes surtout) peu de goût pour
l’austère apprentissage des dates, j’ai acquis la conviction que peu de gens
sont insensibles à leur propre histoire et à celle de leur communauté. Et
qu’inversement il n’y a pas de vraie communauté sans production historique et
réflexive. C’est l’une des ambitions de ce blog.
Généralement, on reconnaît l’historien à
une forme de sagesse biblique un peu rasante : vanité des vanités, il
n’y a rien de nouveau sous le soleil… et généralement je suis bien
ainsi.
Avec Bitcoin, toutefois, j’ai pressenti presqu’instantanément qu’il y avait
quelque chose de nouveau sous le soleil du vieil or monétaire, tant comme
instrument pratique que comme scandale pour la réflexion sur la monnaie. Quand
j'ai compris cela, je n'avais aucun bitcoin en poche, ni aucun intérêt d'aucune
sorte, juste de la curiosité. Une chose m'a frappé : l'un des premiers
grands sites marchands à accepter la nouvelle devise, Overstock, est dirigée
par un Monsieur, Patrick M. Byrne qui a un Ph.D. de philosophie de Stanford et
qui a étudié la langue et l'art chinois...
Bitcoin a déjà une riche blogosphère. Ici, point de nouvelles
des nouvelles techno, mais avec votre soutien, un peu de recherche sur le
sens de notre action.
La discipline économique n'est toujours pas sortie de sa passion infantile
pour les mathématiques et les spéculations purement théoriques, et souvent très
idéologiques, au détriment de la recherche historique et du rapprochement avec
les autres sciences sociales. Thomas Piketty, Le capital
au XXIème siècle, page 63
Publié le 24 févr. 2017 par Jacques Favier